Il y a tout juste cinquante ans, l’homme posait pour la première fois le pied sur la lune. A l’aube de cet évènement historique, nos problèmes belgo-belges paraissent bien insignifiants. Que dire de l’étroitesse du débat sur la survie de la Belgique lorsqu’on le compare à celui sur la survie de la planète, menacée par les comportements environnementaux irresponsables de certains pays.
Il n’empêche, chacun voit midi à sa porte et comme l’échevin vient si bien de le suggérer, chanterons-nous encore longtemps « O Belgique, ô mère chérie » ?
Lorsque je vois le peu d’enthousiasme qu’a suscité en Belgique la nomination de l’un des nôtres à la plus haute fonction européenne, j’ai des doutes. Lorsque je vois comment une élue flamande traite notre drapeau de « torchon », j’ai des doutes. J’ai des doutes et j’ai mal à mon pays.
En effet, aujourd’hui rien ne peut garantir que la Belgique demain existera encore. Même si je suis convaincu qu’au plus profond d’eux-mêmes beaucoup de nos compatriotes le souhaitent. Le problème est qu’ils ne l’expriment pas, que la majorité reste silencieuse, comme sur les réseaux sociaux.
Certes, la Belgique de papa (ou de grand-papa !) a disparu. Certes, les diverses réformes institutionnelles successives ont profondément modifié le paysage politico-administratif de la Belgique. Certes, on ne reviendra pas de sitôt sur la régionalisation voulue par d’aucuns et imposée à d’autres. Même si rien n’est irréversible dans notre étrange pays, on a cependant l’impression que les réformes sont toujours inachevées, toujours imparfaites et que, pour sortir de l’impasse, on se lancera une fois de plus dans une nouvelle réforme, une nouvelle fuite en avant dont nul ne mesure réellement quel sera l’aboutissement.
Aujourd’hui, la césure entre les communautés est plus avérée que jamais. On a même l’impression que le fossé se creuse et que le bout du tunnel s’assombrit de plus en plus. Qui de nous ne s’est pas posé au moins une fois la question : « vais-je encore passer un weekend à la côte qu’on dit encore belge ? ». En Flandre, le mot « nation » a revêtu un caractère particulièrement restrictif, offensif, se cristallisant sur la langue et sur l’origine, le sol. En Wallonie, la préoccupation reste avant tout socio-économique (un taux de chômage de 8,5% pour 3,5% en Flandre l’explique). Mais, me direz-vous, on a toujours eu nos problèmes communautaires et on a toujours trouvé une solution. Exact, sauf que cette fois les différences se marquent aujourd’hui aussi de manière très nette, elles n’ont jamais été aussi marquées, dans la façon d’exprimer son vote : une Flandre dominée par une droite dure, une Wallonie orientée à gauche. Comme si nous avions en plus besoin de tensions idéologiques qui s’ajoutent aux tensions communautaires !
Comment sortir de l’impasse ? Certains disent « il faut refédérer les compétences parce que ça devient vraiment trop compliqué » ? D’autres affirment : « il faut rendre du pouvoir aux provinces car avec des provinces fortes, les tensions entre communautés étaient plus diffuses, ce n’étaient pas des blocs qui s’opposaient. » Mais hélas, l’Histoire ne semble pas aller dans ce sens : au contraire, on croit que le salut viendra d’une régionalisation encore plus poussée, allant jusqu’au transfert de la véritable compétence qui réunit encore flamands, wallons et bruxellois : la sécurité sociale. Mais si les adeptes d’une nouvelle régionalisation pensent que cela représente la fin des problèmes, d’autres, peut-être plus conscients, estiment que ce n’est là que source de nouvelles tensions. Car, si la charge du non-emploi pèse surtout sur la Wallonie, celle des pensions pèse et pèsera surtout sur la Flandre.
Alors que faire ? Si quiconque avait la solution miracle, la solution dénuée de toute passion irrationnelle, je pense qu’on l’aurait déjà appliquée. Je n’ai donc pas de réponse immédiate à ce questionnement existentiel pour le pays que j’aime.
Mais ce dont je suis sûr, et ce que le souverain appelle d’ailleurs aussi de tous ses vœux, est que la solution n’est pas dans l’affrontement, mais qu’elle réside dans le dialogue, dans les retrouvailles rapides de tous les partis démocratiques autour d’une table de négociation. Certes, c’est vital. Mais cela, à mes yeux, ne suffit plus. Même si cela fait aujourd’hui un peu tarte à la crème ou un peu démagogique, je suis convaincu qu’il faut rendre la parole aux belges, les informer d’abord sur la complexité de nos institutions, les consulter ensuite avec des questions claires, ne prêtant pas à confusion. Il faut multiplier les groupes de réflexion, les sites d’explications, les opérations de conviction. Et les moteurs de cette nouvelle mobilisation pour un pays retrouvé, doivent être les jeunes générations qui doivent se saisir de ce problème, de cette belle idée que l’unité nationale rend plus fort pour affronter les réels problèmes, ceux du chômage, de la pauvreté, de l’immigration, du réchauffement climatique, de la mobilité. Que la diversité de 3 langues qui comptent en Europe est une richesse tout comme est une richesse l’imbrication de deux cultures européennes essentielles, la culture romane et la culture germanique. C’est une tâche immense, de longue haleine même si elle est urgente. Mais c’est une tâche enthousiasmante, à laquelle l’administration communale veut modestement contribuer, une tâche que nous espérons et estimons encore surmontable.